lesimpatientes

Les impatientes

Les impatientes

Djaïli Amadou Amal

«Cet ouvrage est une fiction inspirée de faits réels », est écrit en page de garde du roman de l'écrivaine africaine Djaïli Amadou Amal, née au nord du Cameroun, « Les Impatientes » (Éditions Emmanuelle Collas), un livre qui a reçu le Prix Orange du livre en Afrique 2019.

« Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku. Intégrez-la dans votre vie future. Inscrivez-la dans votre coeur, répétez-la dans votre esprit ! Munyal, vous ne devrez jamais l'oublier ! » fait mon père d'une voix grave. »

Et ce mot « Munyal ! », revient en force de très nombreuses fois, comme une litanie, une véritable injonction à ces femmes qui ne connaissent que la soumission ou qui doivent la subir.

De la patience, les trois femmes concernées, Ramla, Hindou et Safira (sans compter les autres femmes de leur famille ou connaissances), elles en ont énormément, jusqu'au point de non retour. de « patientes », elles finissent par devenir, par la force des faits, « Les Impatientes » car point trop n'en faut. Elles y auront mis beaucoup de temps et de volonté, d'abnégation, pour finalement se rebiffer. C'est que lorsque la coupe est pleine, elle déborde et il ne faut plus en rajouter, trop c'est trop….

Dans ce roman polyphonique, l'auteure nous raconte surtout l'histoire de ces trois jeunes femmes (très jeunes) : Ramla  - Hindou et Safira. Elles sont soeurs, demi-soeurs, proches parentes…. La plus âgée est Safira (35 ans). C'est plutôt un vrai méli-mélo dans les familles car le père, polygame, a plusieurs épouses ce qui fait que l'une devient la mère, la soeur ou la belle-fille d'une même femme.

Safira, est la première épouse et devient donc une « daada saaré » mais doit supporter, elle aussi ce qu'il lui fait endurer : prendre une nouvelle épouse, beaucoup plus jeune. Son époux lui rétorque : «Ouvre les yeux, Safira ! m'a-t-il dit. La polygamie est normale et indispensable pour le bon équilibre du foyer conjugal. Tous les hommes importants ont plusieurs épouses. (…) Si tu étais un peu reconnaissante, tu remercierais plutôt Allah d'avoir été la seule pendant toutes ces années. (…) Et puis, serais-tu plus sage que le Tout-Puissant qui a autorisé les hommes à avoir jusqu'à quatre épouses ? »

Mais ce qui est également important, c'est que le père de Ramla et de Hindou les marie de force le même jour, malgré leurs supplications. Il en a décidé ainsi et leur donne la leçon suivante : « Accepter tout de nos époux. Il a toujours raison, il a tous les droits et nous, tous les devoirs. Si le mariage est une réussite, le mérite reviendra à notre obéissance, à notre bon caractère, à nos compromis ; si c'est un échec, ce sera de notre seule faute. Et la conséquence de notre mauvais comportement, de notre caractère exécrable, de notre manque de retenue. Pour conclure, patience, munyal face aux épreuves, à la douleur, aux peines.

- Allamsulillah ! »

On suit donc le destin de ces femmes qui doivent tout endurer sans se plaindre : mariages précoces – viols conjugaux (mais qui ne sont pas considérés comme tels : il n'y a pas de viol entre époux!) - polygamie - drames … Djaïli Amadou Amal y dénonce tous les tabous en parlant de la condition des femmes au Sahel dans ce roman tellement bouleversant – son dernier roman où elle a puisé dans son autobiographie pour ce terrible portrait de femmes au Sahel, car elle aussi a connu un mariage forcé avec un homme bien plus âgé qu'elle.

Y-a-t-il une forme d'espoir quand on lit :ce proverbe africain ?

« Au bout de la patience, il y a le ciel » dans le chapitre consacré à Hindou. Espérons-le.

Nadia d'Antonio

Edité par Emmanuelle Collas, 4 septembre 2020 Emmanuelle Collas

17 €


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