Pour oublier la nuit
Françoise BOURDON
Résumé :
La jeune et fougueuse Julie vit auprès de son père dans la demeure ancestrale des Ségurat, maîtres faïenciers à Moustiers-Sainte-Marie en Haute-Provence. La perte de sa mère, Livia, lors de l’épidémie de peste de 1720, reste une blessure inguérissable qui se ravive lorsqu’on lui remet, le jour de ses vingt ans, le récit que celle-ci a laissé de sa courte existence.
Livia, une orpheline, y révèle avoir été manipulée par des aristocrates aixois qui ont fait d’elle l’instrument d’une conspiration diabolique. Elle est parvenue à échapper à ses bourreaux, mais a vécu jusqu’à son dernier souffle dans la crainte de retomber entre leurs mains.
L’intrépide Julie n’a plus qu’une idée en tête, rejoindre Aix-en-Provence pour venger sa mère. Elle ne sait pas encore qu’elle s’attaque à des hommes fortunés et puissants. Elle a cependant des atouts qui ne seront pas de trop : son adresse à l’escrime et Priam, son grand chien…
Mon avis :
Un très beau roman, simple et raffiné à la fois. Il aborde des sujets dont on n’a pas l’habitude de parler pour cette époque qu’est le XVIIIème siècle. J’ai aimé le cadre historique, l’écriture qui m’a paru sobre et efficace. C’est un livre qui sait conjuguer à la fois l’action et une certaine tension dans la narration. Les chapitres sont courts, donnant un certain rythme à l’histoire, et apportent l’envie de continuer sa lecture. Chez tous les personnages, même secondaires, on y retrouve un certain relief, une certaine densité.
Une histoire attachante même si elle parle de sujets durs et sans doute tabous. La description des antagonismes entre le monde de l’aristocratie et le “vulgaire” est finement présentée. On entre dans la peau des personnages avec aisance. Ce livre est très riche. Il est intéressant d’avoir le point de vue des femmes de l’époque, de leurs conditions sociales tout autant que des mentalités de l’époque. On y découvre un monde de vices cachés au sein de l’aristocratie aixoise, qui a des relents de véracité, même si c’est un roman.
Il est également intéressant de parcourir la vie de deux femmes, une mère et sa fille qui est à la recherche d’identité à travers cette mère qu’elle n’a pas connue. Le désir de connaître ses racines, savoir d’où l'on vient pour avancer vers l’avenir. C’est comme s'il y avait deux histoires en une mais deux histoires qui s’entremêlent, se complètent et gagnent en densité au fil de la narration.
On y voit aussi en filigrane l’amorce des premiers effets du siècle des Lumières et la confrontation des mentalités, entre tradition et modernité. Il est aussi question d’amour tantôt contrarié, tantôt espéré, voulu.
Bref, une histoire dense, agréable et dérangeante en même temps, écrite avec sensibilité et une justesse qui m’ont touchée et transportée.
Extraits
“La nuit de noces… avait apaisé mes craintes. Pressé d’accomplir le devoir conjugal, le baron s’était imposé à moi sans égards ni délicatesse. Une forme de viol légal, avais-je pensé, m’étonnant presque que, quelle que soit leur condition sociale, le sort des femmes ne soit guère enviable.”
“Sous le choc, Julie replia les feuillets avec des gestes précautionneux. Sentant le danger la guetter, sa mère aurait donc couché ses souvenirs sur le papier et confié à son amie Ninon le soin de lui envoyer ce récit pour ses vingt ans ? Bouleversée, Julie croisa ses mains pour les empêcher de trembler.”
Séverine @eliorajoub
@lireetsortir
Éditions Calmann Lévy, avril 2021 Calmann-Lévy
384 pages
20,50 €
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